Les fortifications
périphériques :
C'est donc un site
éminemment stratégique, que Richard décida
d'occuper en juillet 1196. A sa hauteur, la Seine décrit
un large méandre formant une presqu'île au goulot
relativement resserré. On commença par fermer
ce caprice de la nature au moyen d'un grand rempart lancé
entre Bernières et Tosny. Les deux extrémités
furent dotées de fortins puissamment défendus.
Aucune armée ne pouvait donc en théorie s'installer
ici et y établir ses machines de guerre. La petite
île d'Andeli reçut un gros fort octogonal muni
de tourelles, cerné de fossés et de palissades.
Un pont de bois mobile bipartite le reliait aux deux berges.
Il était protégé en amont par trois rangées
de pieux enfoncés dans le lit du fleuve. Sur la rive
gauche se dressait la large et toute nouvelle enceinte du
Petit-Andeli, flanquée de plusieurs tours. Elle était
séparée du Grand-Andeli par un vaste étang
artificiel. Les fortifications de l'ancien oppidum avaient
été entièrement rénovées.
Pour parachever l'ensemble, un bastion avancé fut également
dressé sur la rive droite, à Boutavant.
Le Château
Gaillard :
Au dessus de cet
impressionnant complexe trônait le non moins impressionnant
Château-Gaillard. Il occupait un éperon naturel
particulièrement inaccessible. Protégé
au sud et à l'ouest par un à-pic de près
de 100 mètres et au nord par les contreforts de l'éminence
qui le porte encore, il n'était accessible que par
sa seule face orientale. Il opposait donc de ce côté
un châtelet presque triangulaire, flanqué de
cinq grosses tours circulaires. A sa pointe dominait la tour
de la Monnaie, aujourd'hui étêtée et totalement
déparementée. Un profond fossé creusé
à même la roche isolait cette forteresse avancée
du reste de la place.
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La seconde enceinte
abritait une basse-cour de dimensions modestes. Elle était
également flanquée de plusieurs cylindres très
saillants et d'une tour de forme plus rectangulaire, baptisée
"Tour des Latrines". Elle abritait un puits et probablement
une chapelle, construite entre 1199 et 1204 sur ordre de Jean
Sans Terre. De vastes caves à provisions permettaient
d'entreposer les denrées nécessaires à
l'entretien d'une garnison nombreuse, capable de soutenir
un très long siège. Une nouvelle enceinte, autrefois
isolée par un fossé, existe toujours et présente
un aspect assez original : de forme ovoïdale, elle est
renforcée de demi-cylindres de 3 mètres de large
et espacés de 1 mètre. Ils s'élargissent
vers la base et contribuaient sans doute à augmenter
la résistance aux tentatives de sape. Ils évitaient
également les angles morts dont auraient pu profiter
l'assaillant. Au point le plus inaccessible culminait le donjon
circulaire à éperon, pourvu de splendides mâchicoulis
à arcs sur contreforts. Protégé par sa
masse, s'étirait à l'arrière le logis
du Gouverneur.
Château-Gaillard
était doté des derniers perfectionnements mis
au point par les ingénieurs de Richard. S'il demeurait
fidèle au principe de défense en profondeur,
à cette superposition d'obstacles proposés à
l'attaquant devant le donjon, il ne se contentait cependant
pas d'opposer la seule épaisseur de murailles inertes
et passives. Chaque guerrier pouvait activement participer
à sa sauvegarde grâce au hourdage, au chemin
de ronde, à des tours de flanquement ou des archères.
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