Dans le cadre de
sa lutte permanente contre les comtes de Blois pour la possession
de la Touraine, le comte d'Anjou Foulques III Nerra (987-1040)
fit édifier ou s'empara de plusieurs forteresses autour
de la ville de Tours, contrôlant ainsi les principales
voix d'accès à la grande cité archiépiscopale.
Fondettes, Semblançay, Chérament, Amboise, Montrichard,
Montbazon, Tour-Eblon, Sainte-Maure, Loches, Cornille, Montrésor,
Chinon et Langeais appartiennent à cette série
d'ouvrages.
L'historien Richer,
auteur vers l'an mil d'une Histoire des Francs, précise
à propos de ce dernier que " Foulques se jetant
sur Eudes [comte de Blois, 978-995], ravagea ses terres puis
y construisit non loin de Tours un oppidum qu'il fortifia.
Il y plaça une garnison et la remplit de soldats. Prévoyant
qu'Eudes viendrait la détruire, il alla trouver le
roi [Hugues Capet, 987-996] et l'implora de le secourir. "
Et effectivement Eudes ne chôma pas, tentant de monter
une vaste coalition contre son ennemi. Richer toujours : "
Il demande de l'aide aux Français de la Belgique et
leur promet s'ils viennent de les récompenser pour
leur bonne grâce. Eudes appelle aussi les Flamands [le
comte de Flandre Baudouin IV le Barbu donc] et requiert leur
aide, à charge de revanche s'ils ne repoussent pas
sa demande. Eux aussi acceptent volontiers sa requête.
Il envoie enfin aux Pirates [ainsi Richer qualifie-t-il les
Normands. Il pare même le duc de Normandie Richard Ier
(942-996) du titre de " pyratarum dux ", duc des
pirates] pour les implorer de ne pas lui refuser des forces.
On fixe à tous l'époque et le lieu de rassemblement
" Avant même l'arrivée de ses alliés,
Eudes de Bois se jeta sur Langeais. Il ne pouvait tolérer
la présence de cette forteresse construite sur ses
terres par un rival. Un château solidement bâti
constituait le moyen le plus sûr de s'approprier une
contrée
ou de la perdre
Foulques se sentant
menacé envoya des émissaires afin de demander
la paix. Il promit notamment de " détruire le
château qu'il avait construit dans le fief d'Eudes et
d'en évacuer la garnison. " Mais l'annonce de
l'arrivée de l'ost royal bouleversa la donne. Foulques
Nerra et Hugues Capet firent leur jonction. La situation se
renversa et ce fut cette fois Eudes qui demanda une trêve.
Elle lui fut accordée et le potentat regagna ses états
sans encombre, mais Foulques conservait Langeais.
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L'offensive de Foulques
et la réplique d'Eudes eurent probablement lieu en
994, voire en 995. Nous pensons que l' " oppidum "
évoqué par Richer était l'une de ces
simples forteresses de terre et de bois, très répandues
à cette époque. Le rythme des événements
semble en effet bien trop soutenu pour permettre l'édification
d'un gros château de pierre. En revanche, Foulques Nerra
commença certainement à renforcer sa position
dès le retrait du comte de Blois. De cette époque
datent donc, selon toute vraisemblance, les vestiges du grand
donjon encore visibles de nos jours.
Langeais continua
de servir de point d'appui aux comtes d'Anjou face au comtes
de Blois, jusqu'au triomphe définitif des premiers
en 1044. Il subit de nouveaux sièges en 1037 et en
1038. Le 21 août 1044, Geoffroi Martel (1040-1060),
fils et successeur de Foulques Nerra, écrasa le comte
de Blois Thibaut III à Saint-Martin-le-Beau. Il s'empara
enfin de la Touraine convoitée par ses prédécesseurs
depuis un siècle et la place fondée par son
père perdit toute utilité stratégique.
Elle tomba entre les mains de Philippe Auguste en 1206. Prise
une première fois par les Anglais pendant la Guerre
de Cent Ans en 1361, elle fut presque entièrement rasée
en 1427 ou 1428. Louis XI donna en 1465 l'ordre de la reconstruire.
Jean Bourré, célèbre pour son fameux
château personnel du Plessis-Bourré (Maine-et-Loire),
fut chargé de cette tâche. C'est à Langeais
enfin, qu'eut lieu le 6 décembre 1491 le mariage entre
le roi Charles VIII (1483-1498) et Anne de Bretagne (1477-1514).
Relativement épargné
par les outrages du temps, Langeais fut légué
en 1904 à l'Institut de France par le mécène
et esthète Jacques Siegfried. Ce dernier avait rassemblé
dans le château une importante collection d'uvres
des XVe et XVIe siècles.
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