La petite ville de
Doué-la-Fontaine, située à quelques kilomètres
au sud-ouest de Saumur, peut s'enorgueillir d'une histoire
riche et d'un patrimoine monumental conséquent. Outre
son zoo particulièrement renommé et ses arènes
aux origines encore obscures, elle possède également
à sa lisière sud un étrange édifice
qui constitue un maillon essentiel entre le simple habitat
princier du Xe siècle et la demeure fortifiée
du XIe siècle.
Au même endroit
s'élevait en 1966 une éminence de terre désignée
sous le nom de " Motte de la Chapelle ". Il s'agissait
donc d'une motte castrale tronconique comme nous en rencontrons
beaucoup en France. La municipalité avait décidé
de la raser afin d'établir à sa place un atelier.
Un engin mécanique éventra le tertre et mit
à jour des traces de maçonneries qui intriguèrent
immédiatement les spécialistes. Le chantier
fut aussitôt stoppé et des fouilles commencèrent
l'année suivante sous la direction du doyen Michel
de Boüard (Université de Caen), pionnier de l'archéologie
médiévale en France.
On exhuma alors
sur une hauteur de 5 à 6 mètres un vaste bâtiment
presque rectangulaire d'environ 20 mètres sur 17 mètres.
L'épaisseur moyenne des murs oscille entre 1,58 mètre
et 1,72 mètre. L'appareil est très irrégulier,
tantôt en petits moellons, tantôt en blocs plus
importants assez soigneusement taillés et même
parfois en opus spicatum (arêtes de poisson), généralement
caractéristique des premiers temps de la construction
médiévale. Des trous de boulins disposés
à intervalles réguliers témoignent de
la présence passée d'échafaudages. Des
portes percent les murs sud et ouest. Un mur de refend séparait
l'espace intérieur en deux pièces inégales
d'une superficie respective de 72 m² au sud et de 178
m² au nord. Cette dernière possédait un
dallage de pierre et certainement un foyer central. La première,
plus petite, était pourvue d'une cheminée. Différentes
monnaies retrouvées ont permis d'esquisser une chronologie
relative du site.
|
Il existait à
Doué un palais carolingien dès le début
du IXe siècle. C'est là que Louis le Débonnaire
apprit la mort de son père Charlemagne en 814. Les
Annales Royales rapportent que " Louis était à
Doué [Thedoadum villam] en Aquitaine où il passait
l'hiver, lorsqu'il reçut la nouvelle apportée
par plusieurs messagers. "
La construction découverte
n'a sans doute aucun rapport direct avec ce premier ensemble,
vraisemblablement détruit durant les raids scandinaves
dans la région (850-900). C'est en revanche vers 900
qu'elle fut érigée, peut-être pour le
comte Robert, maître de la contrée à cette
époque, futur roi des Francs (922-923) et ancêtre
des Capétiens. Il s'agissait d'une aula (salle d'apparat
où un magnat tenait sa cour) sans aucune destination
guerrière. Un violent incendie la dévasta entre
930 et 940, probablement dû à la lutte impitoyable
que se menaient alors les comtes d'Anjou et ceux de Blois.
Le bâtiment
fut ensuite complètement transformé : on mura
les portes du rez-de-chaussée ; on obstrua toutes les
ouvertures ; on suréleva l'ensemble d'un étage
avec une porte d'accès unique à 5 mètres
de hauteur. Cet agencement se retrouvera par la suite dans
tous les donjons romans postérieurs. L'aula palatiale
se transformait en tour maîtresse à vocation
résolument militaire. Dans la première moitié
du XIe siècle enfin, la tour fut emmottée (pourvue
d'un glacis de terre) sur une hauteur de cinq mètres.
Le rez-de-chaussée devint alors une cave aveugle. Entre
1035 et 1050, le castrum mentionné pour la première
fois était en possession d'un certain Eude Fatot "
miles de castro Doado " (chevalier du château de
Doué).
|