Le château
occupe l'extrémité d'un promontoire en grès
et domine de sa masse impressionnante les campagnes environnantes.
Guillaume de Poitiers, biographe du duc Guillaume le Conquérant,
le décrivait au milieu du XIe siècle comme "
très fort et ne permettant pas de le prendre rapidement
d'assaut par force ou par ruse. "
Il dessine une grande
enceinte polygonale autrefois flanquée de cylindres.
La courtine orientale, de loin la mieux préservée,
comprenait une porte défendue par deux tours hexagonales.
Une étonnante gaine voûtée court sur toute
sa longueur et dessert des ébrasements ménagés
dans les maçonneries. Cet agencement original, dont
on trouve un équivalent au Coudray-Salbart
(Deux-Sèvres), se lit à l'extérieur grâce
une succession de belles archères à étriers
(triangle à la base). L'ensemble est peut-être
attribuable aux Plantagenêts, mais des éléments
archéologiques semblent le rattacher à la fin
du XIIIe siècle.
Au sud-est de la
cour se dressent les imposants vestiges d'un donjon roman
quadrangulaire. Bâti par Henri Beauclerc dans le premier
quart du XIIe siècle, il est conservé sur presque
toute sa hauteur au nord et à l'ouest. Il comportait
primitivement cinq niveaux. On y pénétrait au
second étage par un accès ménagé
dans la façade occidentale. Comme dans nombre d'édifices
de ce type, le premier niveau était aveugle et servait
essentiellement au stockage des provisions. Les étages
supérieurs, dévolus à la résidence,
étaient percés de larges baies géminées.
Les angles sont renforcés de contreforts plats et les
murs atteignent 3 mètres d'épaisseur.
Des fouilles ont
récemment mis au jour non loin de là les fondations
d'une grande salle (aula) de 17 mètres sur 5,
sans doute antérieure à la construction du donjon.
Dans l'angle nord-est enfin, subsistent les vestiges de l'église
castrale Saint-Symphorien.
Le château,
très bien mis en valeur, se découvre gratuitement
et de multiples panneaux permettent de mieux comprendre la
genèse du site.
La chapelle Saint-Symphorien
:
Édifice largement
ruiné, on possède son plan intégral et
des élévations variant entre 30 cm et 3-4 m
selon les endroits.
Construite vers 1100
(date attestée par les décors, chapiteaux, bases
de colonnes, voussoirs retrouvés), elle mesure 48 m
de long pour l'axe principal et 26 m pour le transept. Elle
possède un chevet plat, une nef unique de 12 m de large,
désaxée par rapport au chur. Elle était
surmontée d'une tour lanterne à la croisée
du transept. Elle était accessible dans ses parties
hautes par un escalier à vis logé dans la pile
s-o. D'infimes traces de peintures murales ont été
retrouvées.
Son portail sud, ouvrant près de la croisée,
était encadré par deux contreforts colonnes,
disposition unique dans l'art roman normand (le contrefort
colonne est fréquent en Poitou, Saintonge
)
L'église d'Ambrières
(Mayenne), à 20 km au sud de Domfront, possède
des dimensions voisines de celles de Saint-Symphorien. Sans
être totalement identique, son plan offre de grandes
similitudes. Y pénétrer donne donc une idée
du volume intérieur que pouvait avoir Saint-Symphorien
avant sa destruction.
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Eglise
Notre-Dame-Sur-l'Eau (Romane):
Il s'agissait à
l'origine d'une paroisse dépendante des moines de l'abbaye
de Lonlay (Orne). Cette magnifique petite église romane
bâtie à la fin du XIe siècle possédait
primitivement une nef sur six travées, mais fut écourtée
en 1836 pour laisser la place à la route Domfront-Mortain.
Datation de la courtine
à gaine :
M. Jean-Philippe
Cormier, président de lARCD, nous a communiqué
dintéressants éléments pour la
datation du massif oriental de la forteresse. Nous vous en
livrons ici lessentiel :
« Dans les
Grands rôles de l'échiquier de Normandie, publiés
par Lechaudé d'Anisy (Mem. de la Soc. des Ant. de Norm.
T. V, p. 107, col.1), nous trouvons un acte de Jean Sans-Terre
daté du 16 juin 1202 à Orival, par lequel il
ordonne au bailli de Domfront, Guillaume le Gros (Crassus)
de construire des tourelles et des hourds sous le contrôle
de l'abbé de Lonlay (à 8km au N-O de Domfront)
: in operationibus turellorum et hurdeicis per visum et testimonum
abbatis de Langelay. A l'extrême fin de la domination
des Plantagenêts sur Domfront, on construit par conséquent
des hourds, cest-à-dire des galeries défensives
en bois au sommet des édifices. Aucun texte (comptes-rendus
d'uvres et réparations, quittances de travaux
...) datant de l'époque des Plantagenêt, ne mentionne
l'existence de la courtine à gaine.
Mme Nissen-Jaubert,
l'archéologue en charge des fouilles menées
sur le site de la chapelle castrale, puis sur celui de l'aula,
attribue la construction à la fin du XIIIe siècle,
époque à laquelle Domfront appartenait au comte
d'Artois Robert II. Elle se base sur les couches archéologiques
qu'elle a mises au jour contre le mur interne de la courtine,
et sur une communication de Mr Salamagne, universitaire de
renom et spécialiste des fortifications, qui affirme
avoir trouvé dans les comptes d'Artois (mais pas dans
ceux consacrés spécifiquement au bailliage de
Domfront), la mention des travaux de construction de cette
courtine. Une communication était annoncée sur
le sujet, mais na malheureusement pas encore été
réalisée à ce jour.
Nous possédons
plusieurs comptes "d'uvres et réparations",
les plus complets datant de l'époque de Robert II (notamment
en 1296), mais aussi de 1334 (période de mainmise royale),
de 1432 et 1437 (occupation lancastrienne). La garnison anglaise
entre 1420 et 1445 est passablement bien connue (effectifs,
capitaines, noms des hommes d'armes ...). Il en va de même
pour la seconde moitié du XVe siècle. »
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