Profitant de la minorité
du duc de Normandie Guillaume II le Conquérant (1035-1087),
le comte Guillaume de Talou (ancienne région située
au nord du Pays de Caux), fils du défunt duc de Normandie
Richard II (996-1026) et donc oncle du jeune duc, érigea
à Arques sans doute peu après 1037, une énorme
forteresse de pierre au sommet d'un éperon rocheux.
En 1040, ce Guillaume d'Arques était tellement sûr
de son indépendance qu'il n'hésitait pas à
s'intituler " comte par la grâce de Dieu ",
remettant ainsi directement en cause le lien vassalique qui
le subordonnait à son neveu. Probablement en 1052,
Guillaume le Conquérant reprit la main et imposa, conformément
au droit féodal normand, la présence d'une garnison
à ses ordres derrière les murailles. Mais Guillaume
d'Arques parvint à circonvenir les hommes du duc dès
1053 et se rendit derechef seul maître de la place.
Guillaume le Conquérant réagit promptement en
venant l'y assiéger et obtint sa reddition un an plus
tard, après l'avoir réduit à la famine
(1054).
Le château
joua un rôle important dans la lutte que se livrèrent
les trois fils et héritiers de Guillaume le Conquérant.
Ce fut finalement le plus jeune, Henri Beauclerc (1100-1035),
qui l'emporta. Il fit construire à Arques vers 1123
un gros donjon quadrangulaire à contreforts. Il était
coutumier du fait et avait notamment procédé
de même à Caen, Domfront et Falaise.
A chaque fléchissement
de l'autorité ducale, Arques se trouva propulsé
sur le devant de la scène. Durant la crise qui opposa
Etienne de Blois à Geoffroi Plantagenêt (1135-1144),
elle fut encore l'objet d'âpres disputes. De même
entre 1194 et 1199, Richard Cur de Lion et Philippe
Auguste ne cessèrent de s'affronter pour sa possession.
Lors de la conquête de la Normandie par Philippe Auguste
en 1204, il fut le dernier château aux mains de Jean
Sans Terre.
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La Guerre de Cent
Ans ne l'épargna pas davantage. Charles V y effectua
des aménagements conséquents à partir
de 1367. Pris par les armées du roi d'Angleterre Henri
V en 1419-1420, Jeanne d'Arc y fit une étape sur la
route qui la mena comme prisonnière de Compiègne
à Rouen (1430). Arques ne revint définitivement
à la couronne de France qu'après la prise de
Rouen par Charles VII et la reddition de Somerset (1449).
Le vieux château
n'en avait pas pour autant fini avec la guerre. Le duc de
Bourgogne Charles le Téméraire le dévasta
en 1472. Un corps avancé formant bastion fut érigé
peu avant 1500. Chassé par les Protestants de Dieppe,
le duc de Bouillon s'y réfugia en 1569. Mais c'est
en 1589 que la place reçut son nom d'Arques-la-Bataille.
Le roi Henri IV et ses troupes, solidement retranchés
autour de la forteresse, y repoussèrent une armée
de 30 000 Catholiques.
Vint alors le temps
de la déchéance. Le château fut abandonné
par les militaires en 1668 et Louis XIV le déclassa
en 1708. Dès 1735, il n'était plus qu'une simple
carrière de pierres. Vendu comme bien national en 1792,
l'Etat en réalisa l'acquisition en 1860. Il fut classé
Monument Historique en 1865.
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