La forteresse a connu
une histoire particulièrement agitée. "
Hammus castellum " apparaît dans les Annales de
Flodoard, chanoine rémois, à l'année
932. Elle fait alors l'objet d'une violente querelle entre
le comte Héribert de Vermandois et Hugues le Grand,
ancêtre de la dynastie capétienne. Il s'agit
probablement de l'un de ces fameux châteaux en terre
et en bois, très répandus à cette époque.
La " motte et la tour de Ham " existent toujours
au milieu du XIe siècle et il faut sans doute attendre
les contreforts du XIIIe siècle pour y voir apparaître
la pierre. Odon IV, seigneur de Ham à partir de 1216,
est à l'origine du plan rectangulaire définitif
de la place, inspiré directement par l'architecture
de Philippe Auguste. Elle passe ensuite aux Coucy (XIVe siècle),
avant de tomber dans l'escarcelle du prince Louis d'Orléans
(mort en 1407), bâtisseur notamment de Pierrefonds et
de la Ferté-Milon.
Ce sont finalement
les Luxembourg qui en font l'acquisition par mariage, en 1418.
Jean de Luxembourg fait construire l'énorme tour-porte
et c'est son neveu et héritier, Louis, comte de Saint-Pol
et connétable de France, qui donne à l'ensemble
son allure définitive. Louis XI séjourne plusieurs
fois à Ham et notamment avant de se rendre à
la célèbre entrevue de Péronne (8 octobre
1468) au cours de laquelle il se retrouve à la merci
de son ennemi, le duc de Bourgogne Charles le Téméraire.
La disgrâce suivie de l'exécution du comte de
Saint-Pol sur ordre de ce même Louis XI (1475), permet
au duc de Bourgogne de s'emparer de ses biens sans coup férir
: Ham, Bohain et Saint-Quentin tombent entre ses mains. Dès
l'annonce de la mort du Téméraire en 1477, Louis
XI jette ses armées sur ces trois places stratégiques
du Vermandois.
Ham connaît
encore les foudres de la guerre en 1557, avec un siège
mené par une armée espagnole en pleine Guerres
de Religions. Vauban y effectue quelques modifications au
XVIIe siècle. Le château devient ensuite prison
d'état et " héberge ", entre-autres,
plusieurs anciens ministres de Charles X après 1830
et le prince Louis-Napoléon Bonaparte de 1840 à
1846. Occupé par les Allemands pendant la Première
Guerre Mondiale, il est dynamité le17 ou le 18 mars
1917.
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Mars 1917 : Coucy
et Ham perdus à jamais.
Du 22 février
au 18 mars 1917, les troupes allemandes évacuent progressivement
et en bon ordre les positions qu'elles occupaient pratiquement
depuis le début de la guerre sur la Somme. Elles prennent
le soin de miner systématiquement villes et villages,
églises et châteaux. Le Pays de France, hebdomadaire
populaire de propagande, s'indigne dans ses colonnes contre
les déprédations de ces " nouveaux barbares
" :
"Partout où
nos troupes prennent pied, elles peuvent constater la dévastation
systématique du pays : maisons pillées et brûlées,
arbres fruitiers et cultures détruits, églises
souillées, puis empoisonnés, sont les actes
par lesquels les Boches affirment la supériorité
de leur kultur [
] et on découvre qu'ils ont détruit
les ruines historiques du château de Coucy. " (PDF
N° 128, 29 mars 1917)
"Le célèbre château fort de Ham avait
appartenu à Jean de Luxembourg, roi de Bohême,
qui, combattant, quoique aveugle, parmi nos chevaliers, fut
tué à la bataille de Crécy. Louis-Napoléon,
le futur Napoléon III, y fut enfermé en 1840
et s'en évada en 1846. Pour faire sauter ce château,
les Boches durent s'y prendre à trois reprises et dépenser
13 tonnes d'explosifs." (PDF N° 132, 26 avril 1917)
Remarquons au passage que l'auteur du dernier pamphlet semble
confondre, volontairement ou non, deux Jean de Luxembourg
distants de près d'un siècle. Au cur de
la Première Guerre Mondiale, il est plus opportun d'évoquer
la mémoire d'un prince germanique qui a combattu dans
les rangs français à Crécy, que celle
d'un comte qui vendit pour 10 000 livres tournois la "
Pucelle d'Orléans à l'Anglois "!
Le Miroir, autre
hebdomadaire contemporain, témoigne de l'ampleur du
désastre : " En pénétrant dans Ham,
on a l'impression de visiter une ville ravagée par
un effroyable cataclysme. L'ennemi s'est livré à
un pillage en règle, à une destruction systématique
dignes de ses premiers exploits en Belgique. Pour anéantir
les murailles séculaires du château il n'a pas
employé moins de 13.000 kilos de cheddite. On peut
voir sur notre première photo que l'une des tours s'est
écroulée dans le canal. "
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