Viollet le Duc,
dans son Dictionnaire raisonné d'architecture médiévale,
décrivait ainsi l'ensemble : " Le long du fleuve
et adossé à la roche qui le domine de beaucoup,
se dressa le château qui coupait la route passant sur
la rive droite, commandait le cours du fleuve et, par conséquent,
le sommet de la presqu'île. Afin de rapprocher autant
que possible le château du donjon, l'escarpement de
craie fut taillé à pic, de manière à
laisser une cour assez vaste entre le bâtiment principal
et le pied du rocher. Un large souterrain détourné,
taillé dans le roc et ayant la figure d'un cylindre
avec emmarchement, réunit les défenses du château
à la cour intérieure du donjon. Du côté
où l'escarpement était moins abrupt, fut tranché,
dans le roc vif, un large et profond fossé à
fond de cuve. Un fossé moins profond, mais beaucoup
plus étendu, contourna le plateau sur l'extrémité
duquel est assis le donjon ; mais comme ce plateau n'était
pas de niveau et qu'il dominait le donjon en s'enfonçant
dans la chaîne crayeuse, on fit une motte factice sur
laquelle (probablement) s'éleva une défense,
détruite aujourd'hui. Les escarpements naturels devaient
ôter toute idée d'attaquer le plateau par ses
côtés. Nous ne pensons pas que le fossé
et l'escarpement aient jamais été protégés
par des murailles, mais seulement par une levée de
terre avec palissades, car il ne reste sur ces points nulle
trace de maçonneries.
Afin de faire mieux
comprendre encore l'assiette du château de la Roche-Guyon,
et comment, par des ouvrages considérables, on était
parvenu à rendre cette assiette encore plus forte,
soit en entaillant la colline, soit en faisant des terrassements,
nous donnons un profil de l'escarpement de craie avec les
constructions. En A est la Seine, en B le château bâti
au pied de la falaise, en C le donjon, dont les enceintes
s'élèvent en suivant la pente naturelle du plateau
pour dominer les dehors du côté D. En E, la motte
faite à main d'homme, sur laquelle était un
ouvrage avancé commandant la circonvallation du plateau
; le profil du souterrain communiquant du château au
donjon est tracé en H. On ne pouvait entrer, du plateau,
dans les enceintes du donjon que par une poterne percée
sur le flanc de la courtine extérieure de droite et
faisant face à l'escarpement, de manière qu'il
était impossible de voir cette entrée soit du
plateau, soit du bas de l'escarpement.
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Notre profil fait
comprendre comment il était difficile à un assiégeant
de se tenir dans le château inférieur sans posséder
en même temps le donjon supérieur ; si, après
s'être emparé du château, il eût
voulu s'y loger, il était infailliblement écrasé
par la garnison du donjon. Quant à s'emparer du donjon,
enveloppé dans sa double enceinte, on ne pouvait le
tenter que par un blocus. Mais comment bloquer une forteresse
qui possédait une issue souterraine très praticable
communiquant avec une défense inférieure commandée
et une large rivière ? Sous le rapport stratégique,
la position du château de la Roche-Guyon était
donc excellente et évidemment choisie pour garder cette
presqu'île de Bonnière si facile à défendre
à la gorge. Deux ou trois mille hommes dans la presqu'île
et quatre ou cinq cents hommes dans le château et ses
dépendances s'appuyant mutuellement, quoique séparés
par la Seine, pouvaient arrêter une armée considérable
et paralyser ses mouvements sur l'une ou l'autre rive de la
Seine. "
Par son plan original,
le donjon de la Roche-Guyon se rapproche incontestablement
des grandes constructions de la sphère d'influence
Plantagenêt de la fin du XIIe siècle. Une grosse
tour cylindrique d'environ quatorze mètres de diamètre
est dotée du côté de l'attaque d'un éperon
acéré, disposition également adoptée
au Château-Gaillard
et à Issoudun.
On y pénètre par une porte en élévation.
Il possédait des étages planchéiés
et son sommet était probablement hourdé. Il
est enserré entre deux chemises. La plus proche du
donjon forme un angle très saillant, alors que la seconde
est dotée d'une tour circulaire à la pointe.
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