Colonia Narbo Martius
:
La ville romaine
fut fondée en 118 av. J.-C. à quelques encablures
d'un ancien oppidum celtique, sur le tracé de la via
Domitia reliant l'Italie à l'Espagne. Elle se développa
considérablement pendant tout le premier siècle
avant notre ère et devint capitale de la province de
Narbonnaise. Durant les premières décennies
de son existence, elle était cernée d'un rempart
en terre et en bois. Le climat de paix régnant dans
le région la rendit bientôt inutile et la ville
commença à s'épanouir au-delà
de son enceinte primitive. Auguste en fit une capitale de
province en 27 av. J.-C. Elle se dota après le commencement
de l'ère chrétienne de tous les bâtiments
qui faisaient la splendeur des villes romaines : thermes,
amphithéâtre, théâtre, forum, temples
Narbonne disposait en outre d'un accès à la
mer et possédait un actif port de commerce. Un évêque
s'y installa dès le IIIe siècle et un premier
sanctuaire s'éleva sans doute au IVe siècle.
Le centre ville s'entoura d'une enceinte en pierre réduite
(1700 m) au Bas-Empire. Elle fut largement construite avec
des matériaux de remploi : pierres tombales, vestiges
de monuments détruits
Narbonne et Sidoine
Apollinaire :
Au Ve siècle,
Sidoine Apollinaire offre une description saisissante de la
ville dans sa Poésie XXIII : " Salut, ô
Narbonne, à la douce température, toi dont l'aspect
flatte agréablement la vue, cité recommandable
par les campagnes qui t'environnent, par tes murailles, par
tes citoyens, par ton enceinte, par tes édifices, par
tes portes et tes portiques, par ton forum, ton amphithéâtre,
tes temples, ton capitole, tes monnaies, tes thermes, tes
arcs de triomphe, tes greniers publics, tes marchés,
tes prairies, tes fontaines, tes îles, tes salines,
tes étangs, ta rivière, ton commerce, ton pont,
et enfin par la mer qui t'avoisine. Toi seule peux vénérer
à bon droit et Bacchus, et Cérès, et
Palès et Minerve, grâce à tes moissons,
à tes vignes, à tes pâturages, à
tes oliviers. Sûre de la valeur de tes habitants, tu
dédaignes les secours de la nature, et tu élèves
ta tête au-dessus des plus hautes montagnes. Tu n'es
entourée ni d'un large fossé, ni de remparts
hérissés de piques. On ne voit sur tes murs
ni marbre, ni lames d'or, ni verres transparents, ni l'écaille
éclatante de la tortue des Indes, ni les plaques d'ivoire
que donnent les éléphants de la Libye ; tes
portes ne sont point embellies de pierres taillées
en mosaïque; mais fière au milieu de ta citadelle
à demi-ruinée, étalant encore les traces
honorables d'anciennes guerres, tu montres tes remparts ébranlés
sous les coups du bélier; ces ruines font ta gloire
et ton ornement. Que d'autres villes se trouvent dans une
position menaçante, et se cachent sur les hauteurs
avec des forces médiocres; que d'autres murailles,
assises sur des crêtes entourées de précipices,
se glorifient de n'avoir jamais essuyé de revers; pour
toi, tu plais malgré tes malheurs, et des attaqués
si courageusement soutenues ont prouvé ta force et
ta fidélité. "
Antiquité
tardive - Haut Moyen-Âge :
La première
église fut dévastée par un incendie en
441. On la reconstruisit promptement et la dédicace
du nouvel édifice eut lieu en 445. Narbonne, placée
à la porte de la péninsule ibérique,
est située au carrefour de toutes les invasions. Les
Wisigoths l'acquirent au Ve siècle et elle devint partie
intégrante de leur immense royaume s'étendant
de la Loire à Gibraltar. La victoire de Clovis à
Vouillé (507) les repoussa loin vers le Sud, mais Narbonne
et la Septimanie restèrent en leur possession jusqu'à
la conquête sarrasine du début du VIIIe siècle.
Elle vécut sous domination mauresque pendant quelques
décennies.
Charles Martel l'assiégea
en 737, comme le relate la Chronique du Pseudo-Frédégaire
(3e continuateur) : " Le brave Charles victorieux passa
le Rhône avec son armée, pénétra
dans le pays des Goths, s'avança jusque dans la Gaule
Narbonnaise, et assiégea la célèbre cité
de Narbonne, métropole de ce peuple. Il fit construire
sur les bords du fleuve Aude un rempart en forme de bélier,
et enferma le roi des Sarrasins, nommé Athima, avec
ses compagnons, et campa tout autour de la ville. A la nouvelle
de ce siège, les seigneurs et les princes Sarrasins
qui habitaient l'Espagne, rassemblèrent une armée,
à la tête de laquelle se mit un autre roi, nommé
Amor, et s'avançant armés de machines contre
Charles, ils se préparèrent au combat. Le duc
Charles alla à leur rencontre sur les bords de la rivière
Berre et dans la vallée de Corbière "
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C'est à Pépin
le Bref que revint la tâche de chasser définitivement
les Arabes de Narbonne et de la rattacher au Royaume des Francs.
Les Vikings la saccagèrent peut-être en 858,
lors d'un grand raid sur la Méditerranée perpétré
sous le commandement du chef Hasting. Le chantier d'une nouvelle
cathédrale fut lancé en 893.
Période médiévale
:
La bonne fortune
de la cité se poursuivit durant la période médiévale.
Mais à la fin du XIIe siècle et au commencement
du XIIIe siècle, l'archidiocèse de Narbonne
fut secoué par une crise sans précédent
: " En la province de Narbonne, où jadis avait
fleuri la religion, l'ennemi de la foi se prit à parsemer
l'ivraie. Le peuple tourna à la folie, profanant les
sacrements du Christ, qui est de Dieu la vraie saveur et sagesse,
se donnant au mensonge, dévient de la véritable
sapience divine, errant et divaguant d'erreurs en erreurs
jusqu'à l'abîme, marchant dans les voies perdues,
et non plus dans le droit chemin " (Pierre de Vaux-de-Cernay).
L'Eglise connaissait dans la région une crise profonde.
Le peuple ne lui faisait plus guère confiance et se
tournait massivement vers le catharisme. Le comportement des
archevêques de Narbonne n'était pas étranger
au phénomène. En 1209, une croisade prit la
direction du Languedoc. Narbonne, contrairement à Carcassonne
ou Béziers, fut relativement épargnée
par les opérations militaires. Elle fut tout de même
confisquée au comte Raymond VI de Toulouse en 1214,
et entra dans l'orbite directe de la couronne de France. Pour
redorer le blason de la foi chrétienne et affirmer
leur puissance, les archevêques y entreprirent la construction
d'une nouvelle cathédrale en 1272. Elle devait atteindre
des dimensions colossales, mais seul le chur fut achevé.
Le projet s'arrêta faute de moyens financiers, mais
aussi en raison d'un conflit opposant l'Eglise aux consuls
de la ville.
Le conflit entre
l'évêque et les consuls :
" La commune
possédait jusqu'au XIIe siècle des conseillers
qui prenaient le titre de nobiles viri ou probi homines. Alors
on les appela consuls, ou plutôt cossouls. Cette commune
fit en 1166 un traité de commerce avec la république
de Gênes, et plus tard avec Pise, Marseille, Rhodes,
etc. En 1212, Armand Amalaric, légat du pape et archevêque
de Narbonne, se déclara duc, et le vicomte lui rendit
hommage. Alors la ville était sous la juridiction de
trois seigneurs, l'archevêque, le vicomte et l'abbé
de Saint-Paul; en 1232, ces trois personnages confirmèrent
les franchises et coutumes de la commune. Cependant, en 1234,
les consuls de Narbonne invoquent le secours des consuls de
Nîmes contre l'archevêque, et en 1255 les magistrats
municipaux ordonnent que les coutumes de la ville seront traduites
du latin en roman, afin de les mettre à la portée
de tous. Les vicomtes, moins puissants que les archevêques,
inclinent à protéger les prérogatives
des Narbonnais, et c'est en présence de cette lutte
croissante contre le pouvoir des seigneurs archevêques,
que Gilles Ascelin construit, en 1318, l'énorme tour
encore intacte aujourd'hui, et que ses successeurs font, de
leur résidence, un véritable château fort,
se reliant à la cathédrale fortifiée
elle-même. " (Eugène Viollet le Duc).
Narbonne fut longtemps
l'une des cités les plus au Sud du pays, jusqu'à
l'annexion du Roussillon en 1659 par le traité des
Pyrénées.
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