Dijon était
déjà un carrefour de circulation important à
l'époque gauloise. Les Romains y construisirent à
la fin du IIIe siècle une puissante enceinte urbaine
de 1200 m de périmètre. La ville n'obtint pourtant
pas le rôle administratif que ses infrastructures militaires
lui permettaient d'espérer. Au VIe siècle, l'évêque
Grégoire de Tours s'étonnait dans sa fameuse
Histoire des Francs : " J'ignore pourquoi ce lieu
n'a pas été qualifié de cité ",
en d'autres termes, pourquoi aucun évêque n'avait
choisi de s'y installer définitivement. Cette assertion
doit cependant être nuancée. En effet, à
la suite des sacs successifs de Langres durant le Ve siècle,
les évêques de cette ville firent de Dijon leur
résidence favorite, même si le siège diocésain
restait officiellement dans la Civitas Ligonensis.
C'est précisément
l'un de ces évêques de Langres, Grégoire,
qui fonda en 511 une basilique à l'emplacement d'une
nécropole gallo-romaine. L'une des sépultures
passait dans la ferveur populaire pour posséder des
vertus miraculeuses. Les vux que l'on y formulait se
réalisaient et l'anonyme enseveli dans le sarcophage
fut qualifié de Benignus (Bienfaisant). On présuma
qu'il s'agissait du premier évêque de Langres,
martyrisé selon la tradition paléochrétienne
au IIIe siècle après J.-C.
Avant 870, l'évêque
de Langres Isaac décida de transformer la basilique
en abbatiale. Il fit édifier un nouvel édifice
religieux pour remplacer le précédent ruiné
et établit une communauté monastique soumise
à la règle bénédictine.
En 989, c'est à
nouveau un évêque de Langres, Brun de Roucy cette
fois, qui pesa lourdement sur l'avenir de Saint-Bénigne.
Pour y réformer l'abbaye, Brun envoya une douzaine
de moines clunisiens à Dijon, dont Guillaume de Volpiano.
Il s'agissait de l'un des esprits les plus éclairés
de son temps. Il réforma complètement le monastère,
rétablissant rigoureusement la règle bénédictine.
Ce succès lui attira une notoriété sans
précédent, à tel point que le duc de
Normandie Richard II (996-1026) l'appela pour l'aider à
restaurer dans sa principauté les grandes abbayes dévastées
durant les invasions scandinaves : Jumièges, Bernay
et surtout la Sainte-Trinité de Fécamp.
Guillaume laissa
à Dijon sa marque dans la pierre : il fit entièrement
reconstruire pour la troisième fois le sanctuaire de
saint Bénigne. De cette uvre demeure seul aujourd'hui
le niveau inférieur de la rotonde, destiné primitivement
à abriter les reliques du saint patron autour desquelles
pouvaient circuler aisément les pèlerins. Il
fait désormais office de crypte. Il s'agit d'un ouvrage
circulaire avec trois couronnes de colonnes concentriques.
A l'est s'ouvre une chapelle mortuaire rectangulaire, reprenant
probablement la structure d'une réalisation antérieure.
Elle possède également des chapelles latérales.
L'emplacement présumé du sarcophage de saint
Bénigne se situe à l'ouest, là où
s'ouvrait à l'origine la nef. On remarque plusieurs
magnifiques chapiteaux romans représentant des motifs
végétaux, des orants (hommes priant les bras
levés), ou des créatures infernales.
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En 1137, un terrible
incendie ravagea Dijon et l'abbatiale subit des dégâts
considérables. L'abbé Pierre de Genève
décida de la reconstruire presque entièrement
: seule la rotonde avait été épargnée
par les flammes et elle s'inséra dans un nouveau bâtiment
de pur style roman.
Le sort s'acharne
parfois tragiquement sur certains monuments. Le 14 février
1271, le haut clocher s'effondra en entraînant dans
sa chute la majeure partie de l'abbatiale. La rotonde fut
une nouvelle fois miraculeusement sauvegardée. L'abbé
Hugues d'Arc lança en 1280 le chantier de l'actuelle
église. La construction dura plus d'un siècle.
Si le chevet fut béni en avril 1287, il fallut attendre
1393 pour la consécration de l'ensemble enfin achevé.
En 1651, l'abbaye
passa sous le contrôle des Mauristes. La dissolution
en 1790 des ordres à vux solennels dispersa les
derniers moines. L'évêque Volfius, qui avait
prêté serment d'allégeance à la
République, décida d'en faire le siège
d'un nouvel évêché (1792). La tourmente
révolutionnaire emporta malheureusement les deux étages
supérieurs de la rotonde. Seul subsista le niveau inférieur,
en partie comblé. Transformée en Temple de la
Raison pendant la Terreur, Saint-Bénigne fut rendue
au culte en 1795.
L'édifice
gothique est d'une sobriété déconcertante.
Saint-Bénigne n'était pas une cathédrale
à l'origine, à l'instar de Notre-Dame de Paris
ou de Saint-Etienne de Bourges. De sa vocation d'abbatiale
elle a conservé l'austérité monastique.
Elle possède les caractéristiques toitures bourguignonnes
aux tuiles laquées multicolores. La façade est
encadrée par deux hautes tours jumelles hexagonales.
Le portail a largement été remanié au
début du XIXe siècle. A l'intérieur règne
un grand dépouillement et une ornementation minimaliste,
mais la lumière naturelle inonde abondamment l'espace.
La nef possède deux collatéraux et cinq travées.
Les voûtes du chur et du transept sont enlevées
et donnent une impression de légèreté.
Il faut également remarquer les magnifiques grandes
orgues (XVIIIe siècle).
Dessin de la rotonde par Lallemand.
Paris BN Cabinet des estampes.
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